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Affichage des articles du février, 2008

Voix off

Insidieuse, elle trouve la faille, serpente autour, s’immisce, d’abord en sourdine, s’installe, prend ses aises, creuse un peu plus, et encouragée, trouve sa place. Sûre d’elle, de sa portée, elle s’engouffre et remplit chaque fêlure, chaque plaie laissée par les coups. Son timbre est grave, son accent roule. Envahissante, sans complaisance, vrombissante, elle enfile ses gants, enjambe les cordes effilochées, balance ses uppercuts. Attaquer, cogner, esquiver pour ne pas tomber. Match truqué, poids plume contre poids lourds. Elle s’en fout. Dernier round, elle doit tenir, ne pas faiblir. L’enveloppe de chair qui l’entoure peut bien s’ouvrir, hurler, saigner, elle ne jettera pas l’éponge. Combat intérieur, les tripes contre la raison. Question de nature, principe à la con. Pigeon vole et loup glacé, le ring devient cour de récré. Règles du jeu revues et corrigées, loi du plus fort, rébellion en culottes courtes, manège désenchanté : la voix s’esclaffe, se rebiffe puis

Le parc

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Des pas au hasard de ces sentiers cabossés. Ils tournent en rond, reviennent sur eux-mêmes, s’accordent une halte au pied d’un arbre centenaire. Un soleil tiède, encore timide, vient se mirer sur la surface gelée dont les cristaux éclatants lui renvoient son sourire. La fatigue et l’usure s’envolent. Des rires d’enfants surgissent, des vieilles dames se racontent, des accents de toutes les couleurs s’entremêlent et me transportent au bout du monde. Je dépose ma colère sur un banc entaillé. Des initiales gravées comme témoins d’un passage, d’une solitude abandonnée, d’une existence à crier. Je me laisse submerger par un torrent d’eau de vie qui tournoie et bouillonne, à l’envie, à l’envers. Ces lignes entrecroisées, ces ombres et ces reflets en compagnons de route, balises ancrées et essentielles. Le croissant de lune blanche déjà naissante finit de me remplir d’une douceur, d’un espoir qui me plaisent, me rassurent, me trahissent, me murmurent.

Fin de l'histoire

On le redoutait ce jour, il est venu hier. Une vingtaine de personnes rassemblées sur un plateau du bâtiment devenu trop grand. Un silence, des regards entendus, et l’annonce dans une voix cassée : notre site va fermer. Quelques gorges nouées, des larmes refoulées, du soulagement aussi après l’attente des derniers mois et la nervosité intérieure qu’amènent l’incertitude, la rumeur, les faux espoirs. La tristesse, l’incompréhension, la colère, la peur, les doutes, toutes ces émotions passaient à tour de rôle dans les yeux, sur les visages. Pas d’autre solution, situation économique déplorable, avenir plus qu’incertain, plan social, reclassement… Des mots vidés de leur sens qui sonnent creux, qui ne veulent rien dire sur l’instant. Sentiment solidaire de solitude, de remise en question. On pense aux plus âgés, à ce qu’ils vont devenir, ils semblent perdus. Puis on se souvient des bons moments, de l’effervescence des belles années, des sourires affichés sur les panneaux photos

N’habite Plus à l’Adresse Indiquée…

Cher Monsieur, Si d’aventure vous passiez par ici, sachez que ce courrier vous était adressé. Quelques lignes pour vous dire qu’il faut que cela cesse. N’avez-vous pas remarqué combien ces derniers jours le monde ne tourne plus rond ? Il se couvre maladroitement de cœurs de velours rouges, d’anges aux ailes d’or, étale pétales de roses, sentiments écarlates et mots d’amours en vrac. J’en perds toute ma raison… Je vous soupçonne d’y être un peu pour quelque chose, du haut de votre nuage, votre carquois plein de flèches n’était pas très discret. Quelqu’un de bien informé m’a même donné votre nom : Cupidon parait-il… Cela me dit vaguement quelque chose. Ne nous sommes-nous pas déjà croisés ? Mais je m’égare, revenons à nos moutons… Surtout comprenez bien mes honnêtes intentions. Continuez bien sûr à dégainer vos flèches, aux hasards de ces vies, de ces sentiers terrestres, à jeter vos filets sur toutes les jolies âmes qui veulent se partager… Pourriez-vous seuleme

Mot croisé

Elle cherche le mot qui manque, celui qui ne vient pas. Blocage, temps d’arrêt, la main levée retombe, l’encre gicle et s’éparpille sur la feuille vierge et triste. Une histoire avortée, embryon d’illusions. Aucun sens à donner à cette tâche bleue marine, le papier l’absorbe et la boit, assèche en quelques secondes ce qu’il restait d’humide. Une éclaboussure, rien de plus, qui jaillit des ténèbres, une goutte d’eau amère pour laver, effacer les doutes ou les regrets. Le bleu qui vire au rouge, sang qui bout dans les veines. Il palpite, il crépite, coule et cogne en boucle. Les parois élastiques se tordent et se déforment pour contenir sa colère. Mouvement précipité, réflexe automatique, la main reprend la plume docile à la pointe écrasée qui gémit en silence. La matière gondolée attend la conclusion. Capitales soulignées, sur la tâche translucide, le mot retrouvé, l’objet de son délire en trois lettres, et pas mieux : TOI.

Dans la ronde

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Regarder la pendule et l’aiguille, dans sa ronde infatigable, me murmurer le temps qui m’échappe et me nargue. Tourne petite aiguille, ne te soucie pas de moi. Je déguste tes tic et m’emplit de tes tac. Chaque seconde que tu laisses gentiment derrière toi, je l’aspire, m’en abreuve, assoiffée de ses charmes. Je la prends toute entière, ronde et belle à croquer, me perds dans ses mystères, me trouve dans ses clartés. Continue à ton rythme ta balade au long cours, pourvu que dans tes traces, je renaisse en amour. Poursuis cette quête sans début et sans fin, les miettes que tu me donnes sont des plus riches festins. Je colle mon cœur qui bat sur ce tempo simpliste, le rassemble et le gonfle de cet air qui m’inspire. Au jeu du temps qui passe, il n’y a pas de gagnant, que des instants choisis, subtils presque transparents. Oser défier ses lois n’est que leurre, vanité. Je fixe le cadran, le silence envahi par l’écho de cette voix libérée, orgasmique. Je divague un peu